Thomas Merle, Domaine Bouisse-Matteri : jeune vigneron à la conquête des cépages oubliés

« J'ai toujours eu tendance à m'intéresser un peu à tout et à n'importe quoi. Le matin je suis plombier, l'après-midi vigneron, le soir commerçant ».

Issu d’une famille de vignerons, le jeune Thomas Merle a une trentaine d’années et de la suite dans les idées. En 2007, après des études en viticulture-oenologie et quelques mois passés en Australie, il rejoint ses parents Bruno et Mariette au Domaine Bouisse-Matteri, situé au coeur de la Provence dans la ville de Hyères.

À son arrivée au Domaine Bouisse-Matteri, une parcelle de vignes intrigue Thomas. « Nous avions plusieurs plants de vignes, qui avaient été identifiés comme étant du grenache. Or, nous savions très bien qu’il ne s’agissait en aucun cas de grenache, car physiquement, cela n’avait rien à voir », raconte Thomas. Après plusieurs années de recherches, Thomas et sa famille découvrent alors qu’il s’agit d’un cépage oublié : le mourvaison. « Nous nous sommes empressés de changer l’étiquette sur la cuve pour y écrire la mention mourvaison ! »

La découverte du rosé du var

Cette trouvaille pousse le jeune vigneron à aller plus loin et à chercher l’origine d’autres cépages. « Il y a une dizaine d’années, nous avons loué des pieds de vignes plutôt chétifs dont les raisins présentaient de grosses baies roses. Au départ nous l’avions appelé aramont gris. Mais nous avons fini par comprendre qu’il s’agissait en fait d’un autre cépage oublié qui répond au nom de rosé du var. C’était en 2013 », se souvient Thomas. « Quand j’ai appris que le centre du rosé cherchait des vignes de rosé du var et de mourvaison j’ai regardé les photos de ces cépages et j’y ai reconnu les nôtres. Le centre a fait venir un spécialiste qui a confirmé. Il a même trouvé un autre cépage, un peu moins rare, l’Aubun », rajoute Thomas.

Une volonté de voir les cépages oubliés revenir dans l’AOC Côtes de Provence

Cépage qui se reconnaît à ses quelques petits grains verts (qui persistent même lorsque le raisin arrive à maturité), le mourvaison se démarque par ses arômes marqués de fruits rouges et de sous-bois. En 2013, Thomas vinifie la première cuvée de vin rouge 100% mourvaison. « Avant que l’on découvre la réelle identité du cépage, mon père assemblait du mourvaison au grenache pour en faire un vin rosé. Cela donnait lieu à un vin étonnant, plutôt charpenté et apte à la conservation. Mais lorsque j’ai commencé à le vinifier en rouge, j’ai trouvé cela tellement bon que je me suis dit qu’on ne le referait plus jamais en rosé. »

Depuis, Thomas a révisé son jugement. Alors qu’il s’apprête à replanter de nouveaux ceps de mourvaison, il compte bien en consacrer une partie au vin rosé. « Étant donné que plus de 80% de la production du vignoble provençal est du vin rosé, je ne peux pas faire l’impasse sur le rosé si je veux un jour voir le mourvaison revenir comme cépage officiel de l’appellation Côtes de Provence », considère le vigneron. Le retour du mourvaison et du rosé du var dans l’AOC Côtes de Provence est une cause particulièrement chère à Thomas, qui considère qu’il est important de diversifier les vins d’une région viticole « standardisée » par le succès des rosés élaborés à base de syrah ou de grenache (cépages phares de la région).

Thomas ne « snobe » pas les autres cépages pour autant. En plus des 1500 bouteilles de mourvaison et des 3000 bouteilles de rosé du var qu’il produit chaque année, le Domaine Bouisse-Matteri produit 17 autres vins, y compris des rosés assemblés à base de cinsault, de grenache et de syrah. « Nous avons tellement de cépages et de terroirs différents qu’il serait dommage de ne pas tout exploiter », considère Thomas. Le Domaine Bouisse Matteri produit donc notamment du vin rouge élaboré à base de cabernet-sauvignon, de grenache, de merlot et de syrah, ainsi que du vin blanc issu d’assemblage de vermentino et d’ugni blanc.