Champagne Rémi Adam, Estelle Hecht : « les femmes ont modernisé le champagne »

À l’occasion de la Journée de la Femme, nous vous emmenons en Champagne pour rencontrer une femme hors du commun : Estelle Hecht, viticultrice à la maison Champagne Rémi Adam.

« Je suis dans les vignes depuis que je sais marcher ». Estelle, 25 ans, n’a jamais eu le moindre doute sur sa vocation professionnelle. Cela ne l’a pas empêchée pour autant de fouler les pavés parisiens pour ses études de commerce. « Mes parents m’ont toujours encouragée à aller voir ce qu’il se passait ailleurs », raconte la viticultrice.

Un univers très masculin

En 2014, Estelle rejoint ses parents auprès de qui elle apprend le métier. À l’époque, Estelle est âgée de 22 ans. Un challenge pour la jeune femme qui met les pieds dans un univers fortement masculin. « Au départ, j’avais du mal à faire entendre ma voix. J’ai fini par comprendre qu’il faut se montrer ferme dès le début, même si cette règle vaut aussi pour les hommes dans le monde du travail. Il faut aussi trouver des astuces pour un métier très physique qui appelle souvent la force d’un homme ! », analyse Estelle, qui depuis, est parvenue à se faire une place dans ce monde d’hommes.

Champagne Rémi Adam : des champagnes blanc de blancs 

Située à Berru sur la Montagne de Reims au cœur d’un terroir de 90 hectares, la maison Champagne Rémi Adam présente une dominante de chardonnay et produit majoritairement des champagnes blanc de blancs, un champagne à qui l’on prête souvent des attributs « féminins », en raison de sa structure élégante et de ses fins arômes. Pour autant, la gamme du domaine ne présente pas des vins identiques, loin de là. « Nous essayons de montrer qu’il n’y a pas qu’une seule manière de vinifier des champagnes blanc de blancs », souligne Estelle.

Depuis son arrivée au domaine, la jeune femme est à l’origine de deux cuvées : la « Belle Boisée » millésimée 2007 et « L’Affût », toutes deux élevées en fût de chêne. Une pratique viticole chère à Estelle, qui souhaiterait la développer au sein du domaine.

Estelle Hecht : vigneronne engagée 

En trois ans, Estelle a parcouru du chemin. Désormais membre du groupe de femmes du Syndicat Général des Vignerons de la Champagne, elle s’implique fortement dans ses actions visant à bouleverser les codes et à moderniser l’image du champagne en France et à l’international.

« Il y a un nombre impressionnant de femmes de ma génération qui sont arrivées dans les vignes à peu près en même temps que moi. Leur ouverture d’esprit a apporté un souffle nouveau aux vins de Champagne. En constatant ce changement, cela ne m’a donné qu’une envie : contribuer activement à cette évolution.»

Quand Estelle n’est pas au syndicat ou dans ses vignes, c’est pour travailler sur Champagne B.Liv, une marque de champagne résolument moderne et féministe qu’elle a fondée en 2014 avec l’entrepreneuse Armonie Bellepeau-Crochet, rencontrée sur les bancs de l’école de commerce de Paris.

Un concept qui fait mouche, même auprès de la gent masculine. « Quand je présente notre projet aux vignerons de ma région, c’est un peu plus difficile qu’avec les vigneronnes, ce qui est logique puisque ce ne sont pas eux la cible. Mais si l’on explique bien le concept, on peut parfois les faire changer d’avis. Bien sûr, il y a toujours des réfractaires. Mais dans l’ensemble, les retours sont globalement positifs ».

« Je veux que les gens comprennent que les femmes, elles aussi, écrivent l’Histoire du champagne »

Estelle ne manque pas de projets pour l’avenir. Au sein du domaine Champagne Rémi Adam déjà, où elle aimerait installer une microcuverie : « je voudrais voir mes fûts tous les matins quand j’arrive au travail ». Mais aussi avec Champagne Bliv, notamment pour promouvoir les champagnes de viticulteurs, trop souvent assombris par de grandes marques de Champagne à son goût, même si ces dernières « contribuent à véhiculer une image de prestige à l’international ». « Je suis très sensible à cette cause car c’est la diversité des vins de champagnes qui font la force de la région », estime Estelle.

La jeune femme envisage également de développer des actions au sein du syndicat afin de valoriser les femmes champenoises qui sortent des codes traditionnels pour relancer des cuvées et bouleverser les méthodes commerciales telles qu’on les connaît aujourd’hui. « Je veux, à travers ces actions, que les gens comprennent que les femmes contribuent désormais à écrire l’histoire de la Champagne et de ses vins… »